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INDE ET HIMALAYA

L’Inde doit la force de son art à sa longue histoire riche de plus de vingt cinq siècles, combinée à ses religions diverses et omniprésentes et à son culte de philosophies qui ont de tout temps été encouragées par un mécénat royal et princier très actif. Elle occupe ainsi une place exceptionnelle dans le cursus de l’histoire universelle, tant par l’originalité de ses créations, que par la variété de ses techniques et la sophistication de ses représentations. L’art indien, qui ne fait pas formellement la différence entre beaux arts et arts décoratifs, montre une remarquable unité liée à une iconographie très riche et foisonnante. Il y a au delà de la surcharge des motifs et de la foultitude des personnages représentés, une vraie cohérence et une homogénéité remarquable. Dans la peinture, la sculpture, l’architecture, mais aussi la musique, il existe de la part des religions des prescriptions esthétiques strictes qui servant la métaphysique doivent permettre de s’approcher du divin. C’est un appel de l’universel que l’on rejoint grâce aux shastras, un ensemble d’instructions scientifiques, de règles de proportions et de prescriptions religieuses souvent versifiées.

Les cultures Néolithiques d’Harappa et de Mohenjo Daro situées dans la vallée de l’Indus représentent une des premières civilisations urbaines, où les villes qui ont l’eau chaude et le tout à l’égout dans des rues ordonnées sont construites en briques d’abord crues puis cuites et liaisonnées à l’argile. Leur art montrant déjà une forte prise de conscience des formes animales et humaines sera agréablement représenté par des statuettes en argile peu cuite de déesses mères et de petits animaux.

Avec le jainisme à partir du XI è siècle avant notre ère on construit des temples et monuments déjà très décorés qui seront repris par le bouddhisme. C’est le règne des caves peintes comme à Ellora ou Elephanta, des formidables temples excavés comme à Ajanta, Aurangabad ou Mamallapuram.

Se développant d’abord au Nord de l’inde sous le règne de l’Empereur Ashoka de la dynastie Maurya (322-180 avant J.-C.), le bouddhisme s’accompagne d’une authentique sculpture qui utilise volontiers la ronde bosse. Apparaissent les stupas destinées à contenir les reliques de Bouddha sur lesquels on ne cessera de sculpter sur des fresques votives narratives et symboliques des épisodes de sa vie. Les chapiteaux décorés des symboles bouddhiques qui devaient à l’origine servir à éviter l’idolâtrie de Gautama Sakyamuni sont au nombre de sept : l’empreinte du pied de Bouddha représentant l’impact de ses enseignements sur le monde, les colonnes et la roue symbole de son enseignement, le trône vide, le lotus représentant la pureté puisque l’eau et la saleté n’y adhèrent jamais quoiqu’il pousse dans la vase, et enfin les lions symboles de royauté.

Le bouddhisme Mahâyâna, qui fut une école séparée naissant au IV è s. a accentué le rôle des Boddhisattvas, être compatissants qui renoncent à leur propre ascension au Nirvana et fut repris par le Tibet et une partie des régions himalayennes. On y trouve des dieux courroucés, portant des couronnes de flammes ou de cranes. La religion chamanique va petit à petit s’intégrer dans les cultes, permettant l’insertion de divinités tutélaires locales.

C’est en Inde que les premières représentations antropomorphiques de Bouddha sont apparues, avant de se développer dans la région du Gandhâra influencée par l’Europe des Grecs à laquelle il faut se relier pour une compréhension parfaite de l’histoire de l’art indienne. L’art de Mathura et celui du Gandhâra se sont sans nul doute influencés. Suivra l’Empire Gupta, vers la fin de la période au IV-VI è siècle avec ses sculptures en grès rose d’une grande finesse d’exécution.

L’arrivée de l’islam au VII è siècle qui provoqua un recul net du bouddhisme permit aussi l’éclosion de l’hindouisme. Il fut accompagné d’un changement dans le style et l’iconographie puisque la représentation humaine fut dès lors interdite.

L’art Indien a subit une forte influence occidentale mésopotamienne, iranienne avec les Perses, hellénistique, romaine, islamique. Chaque provenance a été totalement assimilée, jusqu’à créer un style nouveau et authentique. Par la route de la soie, au Nord, l’Inde a rayonné jusqu’en Chine et au Japon grâce au bouddhisme mais elle a aussi essaimé par la voie maritime, jusqu’en Asie du Sud-Est, y compris le Cambodge et l’Indonésie. Il est ainsi assez surprenant que face à une grande rigidité demandée dans l’exécution des œuvres et une absence totale de personnalisation, on a vu en parallèle l’éclosion d’écoles locales au style très autonome qui cherche moins à valoriser la création individuelle qu’une représentation parfaite de la nature.

L’architecture à l’époque védique s’inscrira dans ce ritualisme, les temples devant répondre à l’appel des symboles du cosmos. La multiplication des enceintes et des superstructures des sanctuaires reproduiront les demeures célestes des dieux. L’utilisation de la pierre en blocs ou dalles de grande dimension souvent assemblée à joints vifs et sans mortier permettra de construire de grands temples. La sculpture y présente une grande stabilité des thèmes, le tout évoluant assez lentement car tout est réglementé, depuis l’apparence de la divinité, sa gentillesse ou férocité, ses attributs, sa monture sans oublier la parure, et la tétralogie spécifique qui recouvre plusieurs têtes, bras ou jambes, ou incarnations animales.

L’époque Médiévale voit apparaître un foisonnement accompagnant un érotisme alliant un raffinement intellectuel à une bestialité surprenants. On pourrait dire que chaque maison qui expose une œuvre de cet art si Oriental et si Occidental à la fois ne peut que sortir magnifiée et transcendée par ce discours foisonnant fait aux dieux..